samedi 1 février 2014

Les trottoirs sont-ils essentiels?

Une des premières choses que l'on vérifie quand on veut savoir si un endroit est marchable ou non est la présence de trottoirs, ces dalles de béton surélevées interdites aux voitures et réservées aux piétons. En général, dès qu'il n'y a pas de trottoirs, on tend à assumer que le coin est hostile aux piétons. Je le croyais aussi, jusqu'à ce que je tombe sur des rues comme ça en voyage au Japon:




Ces rues sont complètement dépourvues de trottoirs, il y a bien des lignes en bordure parfois qui peuvent être vues comme des délimitations de trottoirs en marquage. Toutefois, c'est plus une recommandation qu'une imposition, les cyclistes et piétons occupent bien souvent le centre de la rue. Le tout m'a fait repenser à l'idée que les trottoirs sont nécessaires si on veut des rues sécuritaires et confortables pour les piétons. Voici ce que j'en conclus:

Les trottoirs sont utilisés non pas pour sécuriser les piétons ou rendre la marche plus confortables, mais pour séparer les piétons de la circulation automobile et ainsi permettre à celle-ci de circuler plus rapidement car ils n'ont plus les piétons dans les pattes.

En effet, quand les rues sont étroites et que tous les usagers sont mis sur un pied d'égalité, les automobilistes n'ont pas le choix, ils doivent lever le pied. Ceci peut être très frustrant pour les automobilistes car ils ont un véhicule qui peut aller très vite, mais ils sont forcés d'aller à une vitesse pas tellement plus vite que les cyclistes autour d'eux.

Au niveau de la sécurité, il faut comprendre le principe de la compensation du risque. Ce principe dit que que nous avons tous un certain degré de risque personnel que nous tolérons, quand le risque est trop élevé pour nous, nous essayons de le diminuer. Quand le risque est très faible, nous pouvons adopter des habitudes qui l'augmentent. Ainsi, une rue qui est en apparence complètement sécuritaire, car elle est dégagée et large et que les piétons et cyclistes sont repoussés sur les trottoirs ou sur des pistes cyclables, incitera les automobilistes à conduire plus vite et à faire moins attention aux autres, ce qui augmente le risque.

Une rue étroite avec des objets fixes à proximité (arbres, bâtiments, etc...) et où les automobilistes peuvent croiser des piétons et cyclistes, est perçue comme une environnement moins sécuritaire, donc les gens vont conduire moins vite et faire plus attention.

Mais voilà, la perception et la réalité sont deux choses différentes. En fait, la rue large et dégagée est plus dangereuse pour les piétons qui doivent la traverser. Donc, bien souvent la rue d'apparence sécuritaire sera MOINS sécuritaire.

L'idée que nous devons à tout prix séparer les usagers de la route résultent en des rues excessivement larges. Prenons un exemple d'une rue de base, conçue avec la mentalité de séparation des usagers. Voici de quoi cette rue aura l'air:
Cette rue, séparant piétons, cyclistes, voitures en mouvement et voitures stationnées fera donc 18 mètres de large, minimum. Selon la mentalité actuelle, c'est ça que ça prend absolument pour être sécuritaire.

Mais moi, je crois que la rue suivante est toute aussi sécuritaire:
Cette rue ne fait que 5 mètres de large et piétons, cyclistes et voitures peuvent circuler dessus. La proximité impose le respect et l'attention. Vous pouvez même avoir quelques places de stationnement sur rue si vous le voulez, les voitures en mouvement devront passer dans un sens à la fois, mais tant qu'il n'y a pas trop de monde, ça va.

Et c'est cette dernière particularité qui est à retenir: "tant qu'il n'y a pas trop de monde". Les deux rues précédents sont aussi sécuritaires l'une que l'autre, mais la première a beaucoup plus de capacité, et une vitesse plus grande. Donc si on est sur des collectrices, des artérielles ou d'autres rues conçues pour des grands débits, alors oui, la séparation des usages est préférable afin d'optimiser l'usage de la rue, de donner un peu d'ordre et d'améliorer la vitesse. Mais sur les rues résidentielles à faible débit, construisons la deuxième sorte de rue.

Non seulement elle coûtera 60-75% moins cher à faire et à entretenir tout en permettant une plus grande densité, mais elle aura un effet dissuasif majeur sur la circulation de transit. Pas besoin de mesures d'apaisement de circulation, la rue elle-même apaisera la circulation.

Attention, si une rue résidentielle est très large, alors il faudrait des trottoirs. Les piétons seront dans l'accotement et les conducteurs percevront la rue comme sécuritaire, malgré la présence de piéton sur l'asphalte. Donc l'effet d'augmentation de la perception du danger ne compensera pas l'effet du danger accru par la proximité.

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