Au 19e siècle, les innovations de l'ère industrielle arrivent vite. Plusieurs vont changer le visage des villes. C'est l'exemple du train et des tramways, qui entraîne la création de banlieues pour les classes populaires, permettant aux villes de s'étendre plus loin qu'elles ne le faisaient auparavant en accélérant les déplacements dans celles-ci. Les gens restent quand même essentiellement des piétons, mais ils peuvent désormais se déplacer rapidement d'un quartier à un autre, et les rues se font un peu plus larges pour accommoder ces nouveaux moyens de transport. Les villes s'étendent, mais elles ressemblent encore à des villes traditionnelles, mais bâties autour de lignes de tramway, c'est le cas de beaucoup de quartiers de Montréal comme le Plateau Mont-Royal, Rosemont ou Hochelaga-Maisonneuve.
Mais le progrès ne s'arrête pas là, les voitures viennent transformer les piétons en automobilistes, et les nouvelles techniques de construction permettent désormais de créer des bâtiments avec des dizaines et des dizaines d'étages. Certains architectes sautent sur l'occasion, l'heure est au modernisme, au rejet des traditions car on peut, non, on doit! repenser la société de sa base jusqu'au sommet.
Plusieurs se penchent sur l'avenir des villes. La ville traditionnelle était souvent viciée, sombre et glauque. On sait maintenant que nos nouvelles technologies peuvent solutionner ces problèmes, grâce aux toilettes modernes et aux égouts, de même qu'avec les lampadaires et l'éclairage électrique, permettant d'apporter la lumière jusque dans les coins les plus sombres. L'évolution des services publics permet également d'organiser des collectes de déchets et de nettoyer les villes. Mais pour les modernistes, ce n'est pas assez, on propose plutôt une "cité radieuse" pour aérer la ville moderne.
Voici l'idée de base, prenons un quartier traditionnel, des maisons entassées l'une sur l'autre en rangée, autour de rues étroites avec peut-être des arbres en bordure de la rue.
Ces bâtiments ont peut-être deux étages, mais l'idée des modernistes comme Le Corbusier est de remplacer ces multiples bâtiments de deux étages par des immenses tours de 10 à 20 étages. Du coup, une seule tour peut remplacer une rangée de bâtiments, prenant 3 ou 4 fois moins d'espace. On peut utiliser cet espace gagné pour des parcs, ainsi, l'on aurait une série de tours dans des parcs au lieu de maisons en rangée. Et les déplacements ne sont plus un problème, grâce aux voitures que tous les habitants auraient, stationnées dans des stationnements souterrains, il suffit d'élargir les rues pour gérer le trafic. On obtiendrait ça.
Est-ce que c'est une bonne idée? En tout cas, ça a de la gueule sur les maquettes, une série de tours avec des petits arbres en dessous, c'est bien mieux qu'une masse informe de bâtiments de 2 ou 3 étages. Mais dans la vraie vie? C'est une horreur absolue.
Une des forces des villes est leur interconnectivité, tous les quartiers sont rattachés ensemble, permettant de créer un tout uni et maximisant les contacts sur les rues. C'est un milieu favorable à la marche, car il y a beaucoup de choses à voir, chaque bâtiment ayant sa personnalité propre, et il y a souvent beaucoup de magasins et autres. La rue est également un milieu partagé. À l'opposé, les tours sont déconnectées, chacune étant son propre quartier, séparé par une centaine de mètres des autres. Pire encore, il n'y a pas vraiment de lieu en commun, les corridors des tours sont des no man's land, des corridors pleins de portes fermées, où personne ne se tient, des endroits encore plus sombres et lugubres que les ruelles des villes traditionnelles, et complètement stériles. Les gens sont donc isolés dans ces tours, le résultat est catastrophique pour la communauté et est fréquemment associé à la criminalité.
Pire encore, les stationnements souterrains coûtent cher, donc pour économiser, on prend les parcs, et on en fait des stationnements. On obtient des tours dans des stationnements:
Oui, il y a plus de verdure, mais ce ne sont pas des parcs. Ce sont des bandes gazonnées avec une poignée d'arbres, qui ne peuvent cacher le vide et la laideur des lieux.
Voyons à hauteur d'homme de ce que ces développements ont l'air. Voici un quartier à Prague, car les pays communistes étaient friands de ces développements:
Ce quartier a l'avantage d'avoir des transports en commun à proximité, héritage de l'ère communiste. Sans cela, le besoin de voiture aurait vite englouti les espaces verts et auraient encore plus enlaidi le coin. Un peu comme ça:
Cette horreur ne se trouve pas en Russie, ni en Biélorussie, c'est un "quartier" de condos à Anjou, près de l'échangeur de la 40 et de la 25.
À retenir
La force de la ville, c'est son tissu urbain. Insérer des espaces verts ça et là n'aident pas à faire de la ville un meilleur endroit où vivre. Il est préférable de concentrer les espaces verts dans des parcs de quartier plutôt que d'avoir des bandes étroites de gazons entourant chaque bâtiment. La verdure dans les rues résidentielles doit principalement prendre la forme d'arbre, et non de gazon, pour offrir de l'ombre et un "toit" aux piétons circulant sur les trottoirs.Ce qui m'amène à parler de ça, c'est la lecture rapide du programme de Marcel Côté, candidat à la mairie de Montréal. Il demande d'imposer 20% de verdure à tous les projets immobiliers. Une belle connerie, j'ai vu ça et je me suis dit: "des tours dans des parcs", c'est le même idéal désastreux qui a détruit tellement de communautés urbaines. Concentrez les espaces verts dans des parcs ouverts au public qui méritent d'être visités plutôt, et construisez les villes plus densément.
Il n'y a pas de problème à construire en hauteur, mais il faut intégrer ces bâtiments dans le milieu bâti et non tenter de le séparer dans son coin, entouré de gazon, une utilisation vraiment inefficace de l'espace.
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