J'ai déjà parlé dans un article précédent de la densification par le sol contre la densification par la hauteur et qu'il était préférable de privilégier la densification par le sol afin de constituer un tissu urbain pour la ville en premier lieu et de faire de la rue un milieu de vie plutôt que simplement un lieu de transit. Mais dans les faits, il faut préciser qu'il est tout à fait possible de constituer un tissu urbain avec des tours résidentielles, si celles-ci bordent la rue. À Vancouver, ils ont développé un modèle où les tours sont distancées des rues afin d'éviter de les plonger das la pénombre éternelle, mais où il y a une "base" de 3-4 étages s'étendant de la tour vers la rue afin de constituer le tissu urbain et éviter les "tours dans les parcs".
Le "Vancouverisme", des tours résidentielles avec des bases de faible hauteur cernant la rue |
Donc le problème des tours peut être évité. Est-ce que ça veut dire qu'on peut adopter ce modèle partout? Surtout dans la mesure où l'on veut densifier les villes? Personnellement, je ne crois pas que ce soit une bonne idée.
Le fait est que les logements ne sont pas nécessairement interchangeables. Différentes personnes ont différents logements qu'ils recherchent, s'ils ne trouvent pas de logement exactement comme ils le désirent, ils vont être prêts à certains compromis, mais pas à n'importe lequel. Quelqu'un qui recherche une maison unifamiliale pourrait se contenter d'une maison semi-détachée, d'un maison en rangée, voir même d'un duplexe, mais il serait très peu probable que cette personne accepte de vivre dans un condo au vingtième étage. D'ailleurs, c'est ce qu'une étude dans la région de Québec a révélé, les chercheurs ont divisé les personnes en recherche d'un logement en 6 types:
Préférences résidentielles observées dans une étude à Québec |
Vous pouvez convaincre quelqu'un identifié comme du type 2 d'accepter un logement et un quartier de type 3 s'il ne trouve pas de logement de type 2 abordable satisfaisant à ses besoins, mais vous ne le convaincrez jamais d'accepter un logement de type 5 ou 6.
En pratique, qui achète des condos dans des tours? Souvent, ce sont des célibataires, des jeunes professionnels, des retraités... et des investisseurs. Les familles en général évitent ces logements, surtout en Amérique du Nord.
Donc la réalité du marché immobilier, c'est qu'il n'y a pas qu'un seul marché immobilier, il y a plusieurs marchés, avec des groupes de consommateurs recherchant certains types de logement. Les logements ne sont pas interchangeables.
Donc, si on veut attirer des familles et satisfaire à leurs besoins de logement dans les villes, il faut opter plus que simplement pour des logements de 3 chambres et plus, il faut s'assurer de construire des bâtiments qu'ils trouveraient satisfaisants. C'est-à-dire en général, des bâtiments de bas étage, avec un terrain (cour avant et/ou arrière) et des portes donnant directement sur la rue.
Et c'est un problème qui se manifeste beaucoup à Vancouver et Toronto et dans certaines villes. Comme la densification requière des changements de zonage et donc nécessitent des consultations dispendieuses pour les promoteurs, construire des bâtiments légèrement plus denses n'est souvent pas justifiable par la marge de profit attendue. Donc, les promoteurs tendent à favoriser les bâtiments beaucoup plus denses et plus hauts, car c'est seulement leurs profits qui justifient de lutter contre les "pas dans ma cour".
Alors plusieurs villes, prises avec un manque de logements abordables dans les quartiers centraux, tendent à favoriser de maximiser les quelques terrains disponibles pour la densification en permettant la construction de très hautes tours résidentielles.
...sauf que ces tours résidentielles échouent lamentablement à réduire la pression sur les prix des maisons, car ces logements ne concurrencent pas les maisons, les familles les boudent en général. Ces condos s'adressent simplement à une clientèle différente, une clientèle qui est souvent des investisseurs désirant utiliser ces condos pour de la spéculation immobilière ou des investisseurs étrangers désirant un "pied à terre" dans une ville dans laquelle il ne réside pas. D'ailleurs, un nombre très important d'unités à Vancouver ne sont carrément pas occupées même si elles ont été achetées.
Donc miser exclusivement sur les tours à condos pour augmenter le stock immobilier des villes est une erreur majeur. Il faut une diversité d'habitations différentes s'adressant à TOUTES les clientèles, car une croissance exclusive de logements dans des tours résidentielles exclut une grande part des acheteurs potentiels, les repoussant souvent dans les banlieues.
Ça souligne la nécessité de relaxer le zonage, de cesser d'imposer tout le temps des formes d'habitations dans tous les quartiers, mais d'ouvrir la porte à une variétés de logements différents, afin d'assurer que toutes les clientèles puissent avoir des logements qui leur conviennent dans tous les quartiers, favorisant la mixité sociale.
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