samedi 29 mars 2014

Le dilemme de la médiocrité du service en autobus

Quand on parle de la qualité de service d'une ligne de transport en commun, on doit considérer deux facteurs principaux:
  1. La vitesse moyenne de la ligne (vitesse commerciale)
  2. La fréquence du service
Si on suppose que les gens peuvent avoir besoin d'aller à un endroit de façon aléatoire, la durée du parcours ne sera pas que le temps du trajet, mais également l'attente à l'arrêt. En moyenne, le temps d'attente sera égal à la moitié du temps entre deux passages. Donc s'il y a un autobus passant à chaque 10 minutes, le temps d'attente moyen sera de 5 minutes. Ceci inclut l'attente à l'arrêt ou au domicile (si la ligne a un horaire précis).

Or, la fréquence de service d'une ligne de transport en commun varie principalement avec l'achalandage. Plus une ligne est achalandée, plus il est justifié d'offrir une fréquence élevée, réduisant de même le temps d'attente entre deux véhicules.

Par exemple, si une agence de transport en commun suppose offrir un autobus par 40 passagers, selon l'achalandage horaire, on peut dresser un graphique montrant la relation entre l'achalandage en passagers par heure et l'intervalle moyen entre chaque autobus:
Graphe entre l'achalandage en passagers par heure et l'intervalle entre les passages, supposant un autobus régulier


Donc, peut-on parler d'un "cercle vertueux"? Plus l'achalandage est élevé, plus la fréquence est élevée, donc plus le temps de parcours sera court?

Malheureusement, pas vraiment avec les autobus locaux typiques des transports en commun nord-américains.

Le problème vient du fait que ces autobus sont caractérisés par un nombre très grand d'arrêt, avec une distance de 200-250 mètres entre chacun. La distance entre les arrêts est un élément majeur déterminant la vitesse moyenne d'une ligne de transport en commun. En modélisant simplement cette dynamique et en supposant une accélération limitée à 1 mètre par seconde carré (soit une accélération confortable pour les passagers), on obtient les courbes suivantes (chaque courbe représentant une vitesse maximale différente du véhicule, la courbe vert marin est celle la plus appropriée pour les autobus en ville):
Courbe de la vitesse moyenne d'une ligne de transport en commun selon la distance moyenne entre arrêts
Mais bon, un autobus, malgré un nombre important d'arrêts rapprochés, peut avoir une vitesse décente, car il ne s'arrêtera pas à chaque arrêt, seulement à ceux où les gens veulent monter ou descendre. Ce qui veut dire que moins il y aura de personnes embarquant ou débarquant de l'autobus par kilomètre de parcours, le plus rapidement l'autobus ira.

Oups. Ce n'est plus un cercle vertueux ici! Plus l'achalandage augmente, plus la qualité du service diminue. Si je modélise le tout, ça donne ceci:
Vitesse en fonction du nombre d'embarquement par kilomètre
Le tout pose un problème pour les autobus:
  1. Plus l'achalandage est important, plus la fréquence est élevée, diminuant le temps d'attente
  2. Plus l'achalandage est important, plus la vitesse moyenne diminue, augmentant le temps de parcours
Les lignes d'autobus sont donc pris dans un gouffre de médiocrité, soit elles sont peu fréquentes mais avec une vitesse pouvant concurrencer les voitures, soit elles sont fréquentes mais sont significativement plus lentes que les voitures. C'est pourquoi les autobus circulant sur les rues aux côtés des voitures sont une forme de transport en commun qui ne peut jamais vraiment contester la domination de la voiture.

Ça souligne l'importance de créer des transports en commun rapide sur des voies réservées, comme des métros, des trains légers, des tramways ou des SRB, qui seuls peuvent concurrencer la voiture par la qualité du service offerte.

Mesure de mitigation

Ce problème peut être compensé par l'élimination d'arrêts. Si les arrêts sont plus espacés, on peut diminuer les impacts négatifs sur la vitesse d'une augmentation de la fréquentation:
Effet des espacements entre les arrêts sur la vitesse moyenne
Ainsi, en éliminant la moitié des arrêts, on peut épargner à un usager moyen faisant un trajet de 8 km, 5 minutes au temps du trajet. Ça monte à presque 7 minutes si on élimine 2 arrêts sur trois. Mais si la ligne n'est pas très achalandée, ça ne fait pas grande différence. Donc, ironiquement, ça veut dire que l'espacement entre arrêt dans les quartiers urbains denses où l'autobus est plus utilisé doit être plus grand que dans les quartiers de banlieue où peu de personnes prennent l'autobus.

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